Les Bateaux d’Eibon

(Extrait des Archives d’Eibon – Port de la Mer de Verre, Savareen)

Sur les rives de la Mer de Verre, les quais d’Eibon bruissent d’une activité incessante. Des barges, des navettes de transport et de vieux cargos amphibies s’y entassent, témoignant d’un savoir-faire naval ancestral hérité des Quarren, peuple venu des profondeurs de Mon Calamari. Ces artisans des mers, mi-hommes mi-seiches, ont transmis leur maîtrise de la navigation et de la mécanique aquatique aux habitants de Savareen.

Installés à Eibon depuis plusieurs générations, les Quarren ont peu à peu façonné l’identité maritime de la ville. Leur peau granuleuse et leurs tentacules sensibles leur permettent d’évaluer la salinité ou l’acidité d’une eau d’un simple contact, un talent qui force le respect des pêcheurs humains. Ingénieurs instinctifs, ils lisent les courants comme d’autres lisent les étoiles, et conçoivent des systèmes mécaniques inspirés des mouvements naturels des créatures marines. Leur technologie est aussi rugueuse qu’ingénieuse : turbines articulées comme des nageoires, systèmes de filtration basés sur des branchies, coques renforcées par des motifs rappelant les carapaces abyssales.

Au fil du temps, ils sont devenus des piliers d’Eibon : maîtres d’atelier, pilotes, éclaireurs des zones profondes… mais aussi gardiens d’anciens rites qui lient les habitants à la Mer de Verre. Leur sagesse est respectée, et leurs avertissements — toujours murmurés sur un ton grave — ne sont jamais pris à la légère.

Crédit Photo : Antoine CSUTOROS

Les chantiers navals d’Eibon produisent aujourd’hui des bâtiments hybrides, mi-industriels, mi-organisés, conçus pour affronter les eaux salées et acides de la Mer de Verre. Les coques métalliques, souvent réparées à partir de pièces de récupération, sont renforcées de plaques composites ou de carapaces naturelles issues de créatures marines locales.

Le plus emblématique d’entre eux demeure le T-47N “Nautilus”, un navire de pêche et de maintenance côtière conçu sur la base d’un ancien châssis de transport impérial. Long de 22 mètres, il est équipé de propulseurs ioniques latéraux, d’un treuil gravimétrique, et d’une soute modulaire capable d’accueillir jusqu’à deux tonnes de capture. Son pont arrière, encombré de cages, de filets électromagnétiques et de cuves de stockage, sert souvent de lieu d’échanges entre pêcheurs, droïdes et contrebandiers.

À l’arrière du Nautilus, les marins d’Eibon redoutent une ombre familière : une pieuvre géante noire, appelée Silar’k, hante les profondeurs du port, attirée par les vibrations des moteurs ioniques. Certains témoignages évoquent aussi une créature plus massive encore, dotée d’un bec osseux et de rangées de dents acérées, capable de broyer la coque d’un vaisseau en un seul mouvement.

Crédit photo : Antoine CSUTOROS

Les Quarren d’Eibon considèrent ces êtres comme les esprits gardiens de la mer, punissant les imprudents qui perturbent son équilibre. Selon leurs rites, chaque navire en partance doit verser dans l’eau un peu de résine d’ambre noire, symbole de respect et de protection.

Aujourd’hui encore, les capitaines qui quittent le port d’Eibon jettent un regard vers les reflets mouvants de la Mer de Verre, craignant d’y apercevoir une ombre gigantesque… et d’entendre, sous la surface, le grondement lointain du Silar’k.

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